César et Corentine

Publié le par SklabeZ

 
 
 
Federico Bahamontes, mon champion, ahane dans la côte. Son poursuivant, Ercole Baldini, se rapproche dangereusement. Va-t-il tenir jusqu’au sommet ?

Sur un coup d’index mal ajusté, Baldini fait une sortie de route et se précipite dans le ravin. Federico peut respirer, ce n'est pas pour rien qu'on le surnomme l'aigle de Tolède ! Il franchit en tête ce col de première catégorie sous les vivats de la basse-cour, des chiens Négus et Pataud et de mon copain César, le cochon. Vivats entrecoupés par le grincement strident de la meule, de cette foutue meule sur laquelle, tante Corentine est en train d’affûter sa hache.   

 
Avec mes petits frères et cousins, nous sommes dans la cour de la ferme de mon papy et nous revivons avec nos moyens les grandes étapes du Tour de France. Un gros tas de sable sur lequel nous avons tracé des routes avec lignes droites, montées, descentes, tunnels, virages serrés, et des coureurs représentés par des capsules de bouteilles de Vichy que nous propulsons d’une pichenette du pouce ou de l’index. Pour bien différencier les équipes, une petite rondelle de papier colorié en guise de maillot est collée au fond de la capsule et porte le nom de nos champions. Il y a là toute la fine fleur du cyclisme mondial, Anquetil, Charly Gaul, Nencini, Darrigade, Bobet… 

 


Après avoir basculé en tête au sommet, Bahamontes, toujours accompagné du grincement aigu de la meule, entame la descente. Il fonce vers la ligne d’arrivée qui n’est plus trop loin maintenant. La pression est beaucoup moins importante puisque son concurrent immédiat est au tapis et que les autres poursuivants sont loin derrière. Il est serein et peut donc gérer cette descente sans trop prendre de risques…  

Tout à coup on entend un cri dans la grange, on a tout de suite cru que c’était encore Fanch, le copain de tonton, qui faisait le clown. C’est un vieux garçon qui nous fait toujours bien rire avec ses pitreries.

Le cri se prolonge et devient plus strident. Fanch exagère là ! Ou alors il a bu plus que d’habitude. Nul besoin d’avoir des écouteurs pour entendre ce cri déchirant et inhumain qui se termine par un gargouillis. 

Nous nous précipitons dans la grange... je n’oublierai jamais cette image, Tonton et son pote Fanch, en bras de chemise, Corentine la hache encore à la main, et à leurs pieds, César, le crâne éclaté. 

La méchante ! elle a tué mon César ! 

Elle nous crie : « Allez ouste ! Filez maintenant ! Allez jouer ! » 

Forcément, on a moins envie de jouer maintenant !
 
 


Publié dans Plumier & encrier

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
S
<br /> Les "gros mots" : effectivement y'en a de plus gros que d'autres ... et de plus sympathiques. J'évite quand je parle, mais quand je "m'éclate" sur mon blog, je m'autorise certains.<br /> <br /> <br /> Oui, ton César a une bonne bouille, tellement qu'on dirait un faux <br />
Répondre
S
<br /> <br /> Quand on est gamin, on n'a pas le droit aux gros mots, ou alors, vite fait en cachette.<br /> <br /> <br /> Une fois adulte, je ne te raconte pas... on se rattrape ! <br /> <br /> <br /> Ce n'est pas trop mon genre mais il m'arrive aussi de péter les plombs et là, je me lâche ! Sur le coup ça fait énormément de bien, mais après, j'ai honte de moi et de l'image que je donne à mon<br /> entourage.<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> La garce ... cette Corentine !<br /> <br /> <br /> (tu peux le dire, Joye n'est pas là !) <br />
Répondre
S
<br /> <br /> Comme quoi, je ne suis pas arc-bouté sur mes certitudes et j'écoute les avis.<br /> <br /> <br /> Le terme que j'ai utilisé sur un mot une image était exagéré et je le regrette. C'était le cri du cœur d'un gamin qui souffrait mais ce n'est pas une raison pour dire des gros<br /> mots. <br /> <br /> <br /> À la décharge du gamin, Corentine était réellement une salope garce, je peux en témoigner, je l'ai bien connue.  <br /> <br /> <br /> Ne trouves-tu pas qu'il a une bouille sympa le César ?<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />